
ABDELKADER BENDAMECHE
Commissaire général du festival cuturel national de la chanson chaâbi
La nouvelle génération
d'interprètes prend
doucement sa place
Par Fayçal Métaoui
In El Watan week-end
du vendredi 12 août 2011
En plus du Théâtre national Mahieddine Bachtarzi où se déroulera la compétition officielle, le théâtre de plein air Fadéla Dziriya, situé au sein de l'enceinte de l'Institut national supérieur de musique (INSM), sera ouvert également durant toute la durée du festival. Cet espace recevra les candidats finalistes de la 6e édition, pour une chance supplémentaire. C'est aussi un lieu d'animation privilégié pour le public qui trouve dans cet endroit un moyen de divertissement et d'encouragement pour les jeunes talents. La seconde innovation réside dans la définition des journées consacrées à la compétition. Cette dernière est fixée du 2e au 6e jour. Le premier jour inaugural est prévu cette année avec le passage sur le plateau des lauréats des premiers prix des cinq éditions précédentes. La partie professionnelle mettra en valeur une voix féminine qui s'est distinguée dans «Alhan oua chabab» de la Télévision nationale. La troisième innovation est un prix spécial en faveur des cinq premiers. Ces derniers bénéficieront d'un enregistrement dans un studio professionnel pour l'édition d'un album. Nous leur offrirons également la possibilité de production d'un concert à la Télévision nationale en plus d'une tournée artistique à travers plusieurs villes du territoire national.
- Comment se sont déroulées les sélections régionales pour cette édition ?
Elles se sont déroulées du 7 au 16 juillet 2011 à raison de trois journées pour chaque région. Cette année, le choix a porté sur Béjaïa, Alger et Mostaganem. Dans une totale adhésion du public mélomane et les artistes en herbe de ces régions, les 55 candidats se sont mesurés avec beaucoup de classe, d'objectivité et d'amabilité. Trente d'entre eux sont arrivés en finale.
- A qui allez-vous rendre hommage cette année ? Et pourquoi ce choix ?
En plus de la reconnaissance, nous nous inclinons à la mémoire de trois de nos amis, des interprètes de valeur et des cheikhs qui ont apporté chacun à sa manière une pierre à l'édifice de la chanson chaâbi. Ils viennent de nous quitter l'année dernière et cette année. Il s'agit de cheikh Abdelmalek Imansourène, décédé le 7 février 2010 à l'âge de 55 ans, de cheikh Abdelkader Guessoum décédé le 13 juillet 2010 à l'âge de 64 ans, et de cheikh Abdellah Guettaf décédé le 28 janvier 2011 à l'âge de 61 ans. Ils ont cru au festival depuis sa création en 2006 ? Ils nous ont, tous les trois, soutenus et encouragés. Allah yerhamhoum.
- Vous avez lancé les journées d'étude sur la chanson chaâbi. Quels sont les objectifs de cette initiative, rappelant que vous avez organisé, en juin dernier à Jijel et à Constantine, des rencontres pédagogiques sur cette musique ?
Cette initiative, que nous avons inaugurée à l'Institut national supérieur de musique au cours des éditions précédentes, est sortie sur le terrain d'abord en mars à Béjaïa, ensuite à Constantine et à Jijel en juin dernier. Il s'agit de la traduction de l'un de nos principaux objectifs qui est celui de «la connaissance et du savoir» qui demeure à ce jour notre leitmotiv. C'est la formation, préalable à tout programme, qui nous intéresse en premier lieu. Nous soutenons cette action par des conférences, des communications, des débats, des expositions, des publications, des ventes-dédicaces de livres du patrimoine immatériel et des concerts de chants animés par les lauréats des différentes éditions, au cours desquels nous introduisons la communication publique de la connaissance dans le domaine de la poésie populaire, des modes musicaux et des différents courants de ce genre musical ancestral.
- Vous suivez un projet de réalisation de coffrets sur la musique algérienne. Qu'en est-il exactement ?
Oui, effectivement, il s'agit d'une grande opération initiée par le ministère de la Culture dans le cadre de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe» en 2007 au cours de laquelle nous avons réalisé 14 coffrets, tous genres de musique algérienne confondus. Cette opération a été reprise il y a une année, dont une partie réalisée dans le cadre de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011». Il s'agit de cinq coffrets consacrés à Blaoui El Houari, Amar Zahi, Mme Saloua, Mohamed Lamari et aux grands poètes tlemcéniens. Ces produits contiennent 10 CD accompagnés d'un livre dans lequel sont consignés tous les textes poétiques ainsi que l'ensemble des connaissances environnantes (biographie, modes musicaux et genres poétiques, etc.).
- Vous avez consacré un livre à cheikh Hssissen et vous envisagez de réaliser un documentaire sur cet artiste. Quelle a été la contribution de ce chanteur dans l'art musical chaâbi ?
Le Festival national de la chanson chaâbi a honoré la mémoire de ce grand artiste militant de la cause nationale à l'occasion de la 5e édition l'année dernière. Avec la collaboration de l'Association des amis de la Rampe Lounis Arezki, nous avons organisé une autre soirée hommage le 20 août 2010 en présence de sa famille et de ses compagnons au théâtre Fadéla Dziriya. A partir de cette suggestion mnémonique, l'idée de consacrer un livre qui retrace son itinéraire est arrivée, elle est en voie de concrétisation incha Allah. Cette publication sera soutenue d'un film documentaire qui exprimera en image le parcours artistique et militant de cheikh Hssissen qui, faut-il le rappeler, est décédé à Tunis le 29 septembre 1958 à l'âge de 29 ans. Il faisait partie de la troupe artistique du FLN. Le projet de rapatriement des restes de ce grand cheikh est pris en charge par le ministère de la Culture. Aux dernières nouvelles, l'opération est en bonne voie. Cet interprète de talent et cheikh distingué a apporté de la fraîcheur au chaâbi du début des années cinquante. S'affirmant aussi bien en kabyle qu'en arabe, sa notoriété dépassait toutes les prévisions. A l'écoute attentive des grands maîtres cheikh El Hadj M'hamed El Anka, cheikh Khelifa Belkacem et cheikh El Hadj Mrizek, c'est Amraoui Missoum qui le façonnera artistiquement d'abord à Alger, ensuite à Paris. Une brève carrière professionnelle, mais une puissante contribution à la vie du chaâbi et à la chanson algérienne en général.
- Une question revient souvent : existe-t-il une relève dans la musique chaâbi ? N'y a-t-il pas risque que cet art soit dénaturé par les rajouts à l'emporte-pièce ?
Il y a une véritable relève dans la chanson chaâbi. La nouvelle génération d'interprètes prend doucement sa place mais très sûrement. C'est l'évidence même, car elle dispose de tous les éléments nécessaires, comme la documentation sonore, l'ensemble des recueils des poètes anciens, la télévision, et plus encore la radio qui participent à la mise à la disposition des mélomanes les modèles et canons établis par les générations précédentes. Les «rajouts» de personnalités averties embellissent le chaâbi, mais ceux montés à «l'emporte-pièce» sont écartés par le public. Nous avons un public très connaisseur. Cependant celui ou celle qui veulent intervenir dans ce domaine sont tout à fait libre de le faire, le public et l'histoire sont les seuls juges. Les grandes personnalités qui ont meublé cette musique sont toujours présentes malgré l'œuvre du temps. C'est la preuve irréfutable de la véracité des propos que j'avance.
Fayçal Métaoui