1949 -2020
par Abdelkader Bendameche
De son vrai nom Cheriet Hamid, Idir est né en 1949 à Aït Lahcène dansla Wilayade Tizi Ouzou au sein d'une famille très modeste qui lui assure une scolarité régulière et une éducation morale irréprochable basée sur les valeurs culturelles ancestrales.
Le pseudonyme Idir qu'il choisit déjà très tôt au cours de sa jeunesse va lui porter chance. Il signifie à l'origine en tamazight « il vivra », un nom traditionnellement donné à un enfant né dans des conditions difficiles pour l'aider et l'encourager à vivre.
Après avoir satisfait à son cycle d'enseignent primaire à Ath Yenni ainsi que le secondaire respectivement aux lycées El Mokrani et l'Emir Abdelkader à Alger, il choisit d'entreprendre des études supérieures dans la géologie pour se destiner à une carrière dans l'industrie pétrolière. Une profession d'avenir puisque l'Algérie se profilait une stature au niveau internationale grâce à ses importants gisements.
La passion pour le verbe poétique et la mélodie traditionnelle arrive dés sa tendre enfance lorsqu'il enregistre dans sa mémoire toutes les ritournelles qu'il écoute et apprécie au cours des fêtes et cérémonies familiales.
Sa grand'mère faisait de la poésie son quotidien. Toutes ses expressions poétiques n'étaient en fait que des images sociales véhiculées de bouche à oreille dans une atmosphère faite essentiellement d'oralité.
Sa mère était férue de poèmes populaires. Elle en a appris une bonne quantité.
Idir a déjà commencé à jouer de la flûte, cet instrument traditionnel qui a toujours accompagné ses souvenirs les plus reculés.
C'est en 1973 que les choses se précisent dans son esprit au moment où il remplace par le fait du hasard, l'interprète chanteuse Nouara, absente sur le plateau d'une émission radiophonique dirigée par Abdelmadjid Bali à la chaine 2 de la radio algérienne.
L'occasion est inespérée, il la saisit au vol et c'est très adroitement qu'il interprète une chanson intitulée « Avava Inouva » (mon petit papa), une sorte de berceuse adaptée d'un conte populaire par le poète Benmohamed.
Le public l'ovationne, il la rechante plusieurs fois. Cet air qui provient des fins fonds de la mémoire de son village natal, exprime à lui seul, la sagesse et la majesté du peuple algérien ainsi que son histoire plusieurs fois millénaires.
Le succès était bien là sans que le jeune Idir ne s'en rende compte. La radio le diffuse plusieurs fois par jour.
Après avoir satisfait aux obligations du service national qu'il effectue à Blida entre 1974 et 1975, Idir décide de s'installer à Paris. Après une période courte par rapport à son âge et à son expérience il décroche un contrat d'édition avec les éditions l'Oasis et Pathé Marconi qui lui produisent « Avava Inouva » en 1976. Cet album sera reçu avec succès partout dans le monde. Diffusé dans 77 pays, il a été traduit dans 15 langues. La version française a été réalisée par le duo Davis Jisse et Dominique Marge au cours de la même année. En Algérie le chanteur El Ghazi reprend cette ½uvre dans une version arabe écrite par Benmohamed auteur de ce texte.
Cet enregistrement a été réalisé uniquement pour le compte de la radio algérienne.
Toutes les reprises ont été très heureuses, tant l'originale émanait des abysses de la culture algérienne authentique, pure et aussi représentative d'un cheminement historique d'une nation toute entière Pour un coup d'essai, ce premier album fut un vrai coup de maître. Il était accompagné d'autres titres qui n'avaient également pas démérités, ce sont :
Ssendu, Zwit rwit, Tamachahut ntsekkurt, Azwaw, Isefra muglegh, Rsed a iddés, tighri, bwagdud, chfigh, tagrawla. Chacune de ces chansons connaissaient un véritable succès populaire.
Savourant sa notoriété qui prend un envol réel, il sort un second album en 1979 qu'il intitule Ay Arrac- Nney (ô nos enfants) constitué, en plus de ce titre de neuf autres ce sont :
Awah awah, Achawi, Amnafq, Weltma, L'mut, W'ighum, Aghrib, Hay hay a rumi, Asif Abes (édition Pathé Marconi et Azwaw).
Idir sort victorieux en 1990 d'une longue discorde avec son premier éditeur qui, apparemment ne l'avait pas correctement servi à l'occasion d'un 1er contrat mal négocié. Il se libère en obtenant la Ce défenseur des causes justes, dont l'art repose essentiellement sur l'émotion puisée de la sagesse populaire, véhiculée par l'oralité cet unique mode de transmission culturelle, va retrouver le chemin des studios et de l'activité tous azimuts, en renouant avec la scène et les feux de la rampe du 7 au 9 février 1992 au New Morning à Paris.
Il édite ensuite « Chasseurs de lumières » en 1993 (édition Blue Silver) dans lequel il introduit un ch½ur, des cordes et une section cuivre. Avec des thèmes qu'il a toujours mis en avant, l'amour, la liberté et l'exil. Dans cet album on perçoit la voix du célèbre chanteur breton Alan Stivell sur le duo « Isaltiyen » titre N°12 de l'album sorti aux éditions Blue Silver. Les autres titres « Anda yella », « Mimi », « Ameddyaz », « Twareg », « yelhan wurar », « Adrar », « Serhiyi ed ruhegh », « Avehri tmeddit » sont tous aussi révélateurs d'une constance irréprochable de l'artiste qui entre par la grande porte dans la World Music dont il devient l'un des précurseurs.
Le public de l'Olympia, cette imposante salle parisienne classée monument historique par l'Etat français l'accueille du 26 au 28 juin 1993, confirmant ainsi sa grande notoriété.
Idir parle de son pays l'Algérie et de sa Kabylie natale avec beaucoup de bonheur et de nostalgie. Remplissant les salles, en tournée dans toute la France ,il attire et rassemble les communautés de toutes les origines. Un pari qu'il s'est toujours fixé.
Il sera avec Lounis Ait Menguelet, et Matoub Lounés, le véritable fer de lance de la chanson algérienne d'expression tamazight moderne qui ne s'accommode plus de grands orchestres. Quelques instruments suffisent désormais pour dire un message et atteindre un large public.
Idir est un homme qui se crée de l'espace et de la retenue dans l'approche de son travail. Son comportement quotidien est le vrai reflet de son être qui est tout à fait tendresse et émotion. C'est pour cette raison qu'il est souvent interpelé lorsqu'il s'agit du combat pour les droits de l'homme et du soutien pour Amnesty international, à titre d'exemple.
Avec Khaled, il monte un concert en faveur de la paix, de la liberté et de la tolérance devant 6000 spectateurs venus soutenir l'idée de création de l'association « l'Algérie la vie » le 22 juin 1995 à Paris.
Son projet « Identités » arrive à point en 1999, lorsqu'il est rejoint par ses amis : Maxime le Forestier, Brahim Izri, Gnawa diffusion,Thierry « titi » Robin (guitariste), Gilles Servat, Le breton Dan Ar Braz, L'Orchestre National de Barbés, Fréderic Galiano, L'irlandaise Karen Matheson, Zebda, Geoffret Gryema et Manu Chao.
Ce panel de sommités musicales avait interprété 9 des 10 titres de cet album.
Tous ces artistes ont étés conviés sur la scène de l'Olympia en décembre 1999, puis celle du Zénith de Paris au début de l'année 2000 afin de leur témoigner, ainsi qu'à son public toute sa gratitude. Cet album demeura au Top 100 des ventes en France pendant plusieurs mois.
La participation de ces pointures de la chanson occidentales témoignent, si besoin est, de leur reconnaissance à Idir pour sa sagesse et sa générosité, mais également son engagement pour toutes ces causes justes.
Entre 2002 et 2005, Idir sortira deux albums constitués dans leur ensemble de reprises de ses plus grands succès précédents tels que « Sendu », « avava inouva », « tizi ouzou », « awah awah », « zwit rwit », « cteduyi », « azwaw ».
Ces albums ont pour titre « deux rives un rêve » sorti en mai 2002 et « entre scène et terres » sorti en 2005 un enregistrement réalisé en live, lors d'un concert à Puteaux en 2004. Ce produit célèbre d'une façon remarquable 30 années de carrière aussi riche que passionnante.
Le premier album contient un titre intitulé « pourquoi cette pluie » qui évoque les grandes inondations abattues sur Bab El Oued le samedi 10 novembre 2001.
Idir donne des concerts dans la discrétion, mais également de la puissance du dire identaire.Il le fait souvent en participant à nombre de concerts tenus à la mémoire du printemps berbère, ainsi que ceux tenus en reconnaissance aux grands artistes. Le dernier en date le vendredi 3 avril 2009 au Zénith de Paris à l'occasion du gala organisé en hommage à Kamel Hamadi. Idir a participé avec « Ammi Azizen » un titre écrit par ce grand compositeur et rendu célèbre par Cheikh El Hadj M'hamed El Anka durant la fin des années 50.
Demeurant fidele à la ligne directrice qu'il s'est fixée tout au long de son cheminement, c'est-à-dire celle qui met en avant, l'amour, la mémoire, l'exil, l'immigration, le droit à la différence et l'éducation, Idir revient en juin 2007 sur le thème de l'interculturalité dans un album intitulé « la France des couleurs » une ½uvre qu'il partage avec des amis artistes de tous horizons, que sont :
Au cours de cette année 2007, Idir va sillonner la France toute entière, accompagné de son ensemble, démontrant sa grande notoriété, et portant le son et la mélodie de l'Algérie partout
Idir vivra une douleur intense celle du décès de sa chère maman le 18 mars 2012, elle a quitté ce monde à l'âge de 96 ans.
Une partie de lui s'en est allée, mais il restera digne en produisant le 4 février 2013 un nouvel album intitulé « Adrar Inu » (ma montagne) pour lancer un message de retour aux sources en hommage à sa mère, il lui ajoute l'adaptation d'une mélodie anglaise du 17ème siècle, Scarborough Fair,tirée d'un succès des Who et un morceau classique de Beethoven.
Fierté de sa ville natale Ath Yenni et de tout le pays, Idir a eu droit à un accueil chaleureux et exceptionnel le 5 novembre 2015 à l'occasion de son retour après 30 années d'absence.
« Je suis très heureux et surtout ému de voir cet accueil que vous me réservez dans cette région qui m'a offert ma première lumière. Je ne peux décrire l'émotion que je ressens aujourd'hui » avait –t-il dit en foulant le sol de son village natal.
Il a été reçu à Ath Yenni avec le cérémonial qui sied à sa personnalité d'une part et à la grande estime que lui porte l'ensemble de la population.
C'est à ce titre que les autorités locales lui ont rendu un vibrant hommage à l'occasion de la 2éme édition du « festival lumières sur le patrimoine historique et culturel de la Kabylie » organisé du 6 au 9 novembre 2015 dans les communes d'Ath Yenni, Akfadou et Ighil Ali. Cette manifestation lui a décerné « l'Etoile d'Argent » une distinction réalisée par des maîtres artisans bijoutiers d'Ath Yenni.
par Abdelkader Bendameche
in les grandes figures de l'art musical algérien ENAG editions 2018

DISCOGRAPHIE
- 1976 : « Avava Inouva »
- 1979 : « Aya Arrac-nney »
- 1986 : « Le petit village » (Chorale enfantine)
- 1993 : « Les chasseurs de lumière »
- 1996 : « Avava Inouva » (Réédition)
- 1999 : « Identités »
- 2002 : « Deux rives, un rêve »
- 2005 : « Entre scènes et terres » (Live)
- 2007 : « La France des couleurs »
- 2013 : « Adrar inu » (Ma montagne)
- 2017 : « Ici et ailleurs », cet album contient les titres suivants :